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Plaidons la CEDH !

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Selon l’article de l’agence de presse « Reuters », « une défiance croissante vis-à-vis de la CEDH se fait néanmoins sentir dans plusieurs pays ».

Si la Russie et le Royaume-Uni y sont cités, relevons toutefois que la France n’est pas exempte de cette dangereuse tentation.

Dans ce mouvement de résistance des Etats, il n’est pas anodin de rappeler qu’en France et plus particulièrement au sein de l’Assemblée Nationale, se sont élevées des voix contestant la légitimité de la Cour européenne des droits de l’homme.

Ainsi, les députés Guillaume Larrivé, Pierre Lellouche et Claude Coasguen ont présenté en 2015 et soutenu de concert, une proposition de loi visant à renégocier les conditions de saisine et les compétences de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).

De nombreuses attaques contre la juridiction internationale s’y sont succédées, suscitant la réaction du député Pierre-Yves Le Borgn‘ qui répliquait à ses détracteurs, que la Cour européenne des droits de l’homme n’est pas « une juridiction internationale qui protège les terroristes » (dixit les rédacteurs de la proposition de loi précitée).

Il aura fallu l’intervention du Président de la CEDH en personne à l’Assemblée Nationale, pour exposer en commission extraordinaire, les fondamentaux de la Convention européenne des droits de l’homme et les principes et méthodes de la procédure appliqués avec rigueur par la Cour de Strasbourg.

Vous pourrez chercher, les députés rédacteurs de de la proposition de loi polémique étaient aux abonnés absents, lorsque les professionnels de la Cour européenne des droits de l’homme sont venus à leur rencontre…

Qu’il s’agisse de reponsables politiques et parfois même de magistrats dans le cadre des audiences pénales et civiles, la plus grande menace qui pèse sur la Cour européenne des droits de l’homme, c’est la méconnaissance caractérisée de sa jurisprudence et son fonctionnement par ces derniers.

Dès lors, à chaque fois que l’occasion nous est donnée, nous devons invoquer la Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence de la Cour, afin d’en diffuser les principes et faire en sorte que les garanties que notre Etat a ratifié, s’appliquent de manière effective dans notre droit positif.

Il revient en premier lieu aux Avocats d’être les garants de la Convention européenne des droits de l’homme et d’appliquer dès à présent une vigilance constante aux atteintes dont cette institution peut être l’objet en France, notamment par l’exercice des droits de la défense.

En application du principe de subsidiarité qui figurera bientôt au Préambule de la Convention, plaidons la CEDH !

Plaidons la CEDH, dès la garde à vue, puisqu’à défaut d’accès au dossier nous devons assurer à chaque étape de la procédure pénale les facilités nécessaires à l’exercice des droits de la défense, conformément à l’article 6 (droit au procès équitable) de la Convention. Ne nous contentons pas ainsi de la seule notification des droits, et invoquons à chaque fois que l’occasion se présente, que le droit à l’avocat dès la première heure est primordial et que les officiers de police judiciaire ne sauraient le subordonner au chantage de libérer promptement le gardé à vue.

Plaidons la CEDH, lorsqu’en matière de mineurs étrangers non accompagnés, les décisions administratives et judiciaires de refus de prise en charge au titre de l’assistance éducative manquent systématiquement de motivation circonstanciée et sérieuse, laissant les mineurs concernés en proie à des conditions de vie contraires à l’article 3 (interdicition des traitements inhumains et dégradants) de la Convention.

Plaidons la CEDH, chaque fois qu’un litige familial ne prend pas en compte l’intérêt supérieur de l’enfant ou porte une atteinte excessive au droit à une vie privée familiale, en combinaison avec d’autres dispositions internationales ratifiées par la France et en application de l’article 8 de la Convention.

Plaidons la CEDH aussi, pour tous les droits qui ont la nature d’une créance, parce que le droit de propriété tel qu’il est protégé par l’article 1 du Protocole n°1 à la Convention ne garantit pas que le droit de propriété des biens de nature immobilière, mais également toute valeur mobilière ou créance, notamment lorsque celle-ci est de nature sociale. Notons sur ce point que la France refuse de ratifier le Protocole n°12 à la Convention (interdiction générale de la discrimination) par crainte du développement d’une garantie des droits sociaux par la Cour.

Plaidons enfin la CEDH, y compris et surtout lorsque les intéressés ont commis ou sont soupçonnés d’avoir commis des actes de terrorisme, parce que nous choisissons les valeurs du Conseil de l’europe et non celles de la torture et des camps de Guantanamo.

Plaider la Convention européenne des droits de l’homme chaque fois que cela est possible, c’est assurer son effectivité primordiale au sein de nos juridictions et de notre Etat de droit. Il ne s’agit pas d’engorger in fine les services juridiques de la Cour européenne des droits de l’homme, mais de sensibiliser nos juridicitions nationales aux garanties de la Convention et au raisonnement de la Cour pour faire progresser notre droit interne.

La procédure de la question préjudicielle introduite par le Protocole n°16 à la Convention témoigne de cette conception de confiance et de dialogue qui, pas à pas, doit tendre à faire fléchir toutes les situations de défiance à l’égard de la Cour européenne des droits de l’homme, et de façon plus globale, toutes les dérives notamment politiques contre l’Etat de droit, la Démocratie et les Droits de l’homme.